A l'occasion de la promotion britannique de Personal Shopper, Olivier Assayas parle de Kristen, leur collaboration, les qualités de l'actrice, le tournage du projet et le métier de réalisateur dans une interview avec The 730 Review.
Un entretien avec le réalisateur français Olivier Assayas, dont le nouveau film Personal Shopper met en vedette Kristen Stewart an tant qu'assistante d'une célébrité qui travaille au noir comme une médium spirituelle. Assayas a reçu le prix du Meilleur Réalisateur lors du Festival du Film de Cannes pour le film, qui sort vendredi en Grande Bretagne.
Journaliste : Lors de la session questions/réponses de la projection de Personal Shopper, plusieurs membres du public ont dit avoir peur. Êtes-vous d'accord avec le fait que le film est effrayant ?
Olivier Assayas : Je ne sais pas. S'ils ont eu peur, je suppose que c'est effrayant. Cela n'est pas effrayant pour moi parce que je l'ai fait. C'est quelque chose que vous ne pouvez pas vraiment quantifier. Je suppose que les réalisateurs de genre peuvent le connaître et le contrôler un peu plus que moi. Je n'ai aucun contrôle dessus. Je veux pousser les scènes aussi loin que je le peux, mais je ne suis pas certain lorsque les gens sont réellement effrayés. Lorsque vous faites quelque chose de drôle, cela a des connotations comiques, vous le savez instantanément, parce que le public rit. Lorsqu'ils ont peur, vous n'avez pas ce genre de retour.
Journaliste : Il ne s'agit pas vraiment d'un spoiler que de dire que dès le début, nous arrivons à voir un fantôme à l'écran. De quelle manière avez-vous décidé combien vous alliez en montrer ?
Olivier Assayas : Je voulais le montrer. Ce qui est dans le film est à peu près ce qui était dans le scénario. Légèrement différent ; j'ai évidemment adapté bla bla bla. Pour moi, la question était plus de quelle manière le représenter. C'est une question difficile parce qu'il s'agit d'une projection de votre imagination. Ne pas paraître trop effets spéciaux, trop numérique. S'il s'agit juste d'une superposition, cela semblera cucul. Très tôt dans le processus, j'ai eu la notion claire que ce que je voulais utiliser comme référence était la photographie spirituelle, issue de la seconde moitié du 19ème siècle, du début du 20ème siècle. Cela semble très naïf maintenant avec la perspective du temps, mais c'est toujours un peu effrayant et cela représente vraiment ce que le médium pensait de ce qu'ils ont vu pendant les séances. En fin de compte, j'ai utilisé des descriptions par le moyen de leurs rencontres avec les esprits. J'ai été aussi strict que je pourrais être en termes de représentation des fantômes d'une manière que ceux présents dans le monde spirituel s'imaginent qu'ils les voient.
Journaliste : Il y a une séquence prolongée dans le film sans dialogue parlé, mais la tension est soutenue par une conversation via des SMS mystérieuse, menaçante. Quelles ont été les difficultés et les possibilités d'utiliser les médias modernes de cette manière ?
Olivier Assayas : Je me demandais vraiment si je pouvais traduire à l'écran la fascination que nous avons avec nos téléphones portables, avec la conversation que nous pouvons avoir par SMS. Cela peut être addictif. 'Combien de temps faudra t-il pour obtenir une réponse ?'. 'Oh, il est en train d'écrire, les points sont en train de clignoter'. Ce genre de tension. Je pensais que ce serait assez simple, mais en termes de technique, c'était un cauchemar. Pour bien faire ce genre de choses, je n'avais aucune idée de la complexité. J'ai continué à changer. J'ai fini par changer la formulation d'une partie des SMS. J'ai remanié cette scène pendant des siècles pour maximiser la tension.
Journaliste : Étant donné le rythme auquel la technologie évolue, est-ce que vous ne vous inquiétez pas qu'en utilisant les SMS comme cela va dater le film ?
Olivier Assayas : Bien sûr, cela va dater le film. Mais pensez quand Superman change dans la cabine téléphonique ou quelque chose du genre. Nous l'acceptons en quelque sorte dans l'histoire du cinéma. Nous sommes d'accord avec le fait de regarder des films dans lesquels les gens n'ont pas téléphones portables. Pour le dire ainsi, votre film, n'importe quel film, devient instantanément une pièce d'époque. Vous n'avez pas à attendre cinq ans. Surtout en termes de communication. Sur le plan de la communication, cela sera complètement dépassé dans cinq ans. Même si je pense que les gens vont continuer à envoyer des SMS, parce que les SMS sont une forme très intéressante de communication, cela sera juste un souvenir de la façon dont les gens fonctionnaient en 2016
Journaliste : La performance de Kristen Stewart est formidable, mais vous avez suggéré lors de la session questions/réponses qu'il y avait des profondeurs qui devaient encore être vues. Pouvez-vous développer sur ce sujet ?
Olivier Assayas : Je pense sincèrement que je suis extrêmement privilégié de travailler avec Kristen parce que je pense qu'elle est une actrice très unique. Lorsque nous faisions Personal Shopper, je me demandais simplement où était la limite. Je n'ai jamais vraiment ressenti où la limite pourrait être. Je pense que Kristen peut être drôle ; je pense que c'est une dimension d'elle qui n'a pas été beaucoup explorée. Je pense qu'elle a un mauvais sens de l'humour. De temps en temps, quand elle a quelque chose qu'elle peut utiliser pour la comédie, elle est assez intelligente en l'utilisant. J'aimerais faire un film d'époque avec elle. J'ai fait deux films avec elle et je suis toujours curieux de savoir où elle peut aller. Ce qui ne signifie pas que je vais faire mon prochain film avec elle, mais il y a le potentiel pour cela.
Journaliste : Vous avez également dit que le rôle n'était pas écrit pour elle ; étant donné certaines similitudes entre son personnage ici et son rôle dans votre film précédent [Clouds Of Sils Maria], un rôle a t-il poussé l'autre ?
Olivier Assayas : Je ne l'ai pas exactement écrit pour elle, du moins pas consciemment. J'étais certainement inspirée par elle. Je ne pense pas que j'aurais écrit le personnage de Maureen si je n'avais pas travaillé avec Kristen. C'était ma seule expérience d'observation d'une jeune fille américaine. Lorsque j'écris le rôle d'une jeune fille américaine, elle a des échos de cette personne que je connais. Jusqu'au moment où nous avons finalisé le fait que nous allions travailler ensemble sur ce film, j'ai refusé d'admettre la logique de la façon dont tout s'est mis en place. Mais à la minute où cela a été clair, j'ai dû accepter que j'ai écrit ce rôle pour elle.
Journaliste : D'où vient l'idée du film ?
Olivier Assayas : Parfois, c'est un peu difficile à expliquer, mais ici c'est assez simple. Je pense que ce qui m'a inspiré était la notion de cette fille faisant un travail stupide, du moins un travail très banal. Elle pense que c'est superficiel, en gaspillant son temps, mais elle en a besoin pour gagner sa vie. Elle trouve une sorte de confort en explorant des idées dans ses rêves. Et cela a grandi à partir de cela.
Journaliste : Dans celui-ci, en plus d'être l'un des grands points de discussion dans Clouds Of Sils Maria, il y a un fort sentiment d'ambiguïté dans le récit. Comment expliquez-vous cela ?
Olivier Assayas : Je suis intéressé par les rebondissements dans la façon dont je décris les choses. J'aime l'idée de la façon dont surprendre le public. Comment ne pas aller à l'évidence, à l'attendu et prendre une autre direction. Je ne suis pas intéressé par la résolution. Je suis intéressé par l'excitation d'être le témoin de quelque chose qui est étrange, dans un film. Si vous expliquez, vous spoilez les choses en quelque sorte. Habituellement, les films sont défavorables à l'ambiguïté. J'aime la notion d'ambiguïté. J'aime la qualité non résolue de l'ambiguïté. J'aime la façon dont il génère des questions qui restent avec le spectateur. Prenons un autre exemple qui est peut être plus clair, la façon dont Valentine disparaît dans Clouds Of Sils Maria, je pense qu'il est plus intéressant de la faire disparaître plutôt que de voir son départ. J'aurais pu ajouter une photo où on la voit avec ses chaussures de randonnée en train d'embarquer dans un car et personne ne l'aurait interrogé, mais je pense que le point d'interrogation avec lequel nous restons augmente notre prise de conscience. Cela donne un sens de l'incertitude sur le fait qu'elle ne reviendra peut être pas. Cela donne l'impression que pendant tout l'épilogue du film, elle est présente. Elle est comme une ombre qui plane pendant toute la nuit. C'est beaucoup plus intéressant de laisser une ouverture. A t-elle disparu ? Pourquoi a t-elle disparu ? En fin de compte, nous ne nous en soucions pas. Ce qui nous préoccupe, c'est qu'elle est toujours là, elle persiste. C'est cette notion de malaise qui est générée par Personal Shopper. Les quelques pries ambiguës de quelques fantômes sortant d'un hôtel sont bénéfiques pour la fin du film. C'est quelque chose qui fait écho.
Journaliste : Y a t-il des acteurs particuliers avec lesquels vous voulez travailler ?
Olivier Assayas : Le film que j'étais censé filmer avant Personal Shopper qui s'est écroulé – c'est un film qui s'intitule Idol's Eye – il peut encore se faire. Il a encore du potentiel pour qu'il se fasse. Il a Robert Pattinson, Sylvester Stallone et Rachel Weisz au casting ; trois acteurs avec lesquels je suis vraiment impatient de travailler.
Journaliste : De quelle manière le cinéma a t-elle changé pour vous depuis que vous avez commencé la direction ?
Olivier Assayas : Je pense que j'ai changé. Je fonctionne d'une manière complètement différente, parce que j'ai évolué, j'espère, à travers les âges. Et aussi la technique du film a tellement changé. J'essaie de la garder semblable parce que j'aime la façon dont elle est. Pas tant en termes de tournage. En termes de tournage, ce qui a changé pour moi, c'est que j'ai une petite vidéo et que je peux regarder constamment ce qui se passe sur la caméra. Je ne suis pas certain de quand cela s'est produit, mais c'était certainement un changement majeur pour moi. Mais en dehors de cela, c'est surtout la post production qui a changé de façon importante. Lorsque j'ai commencé à faire des films, ils étaient toujours en train d'éditer le son sur la pellicule, par opposition à l'utilisation d'une machine professionnelle où vous avez un certain nombre de pistes musicales. Vous éditiez également sur la pellicule par opposition à l'utilisation d'une machine de montage qui est tellement plus rapide, plus facile et ainsi de suite. Le processus de réalisation change. C'est intéressant parce que la technique du cinéma est plus ou moins restée la même entre le début de l'ère du son jusqu'au milieu des années 80. Et c'est la période où j'ai fait mon premier film, en 1986. La technique du film a commencé à changer tellement vite. Tellement rapidement. Vous n'aviez pratiquement pas d'effets spéciaux numériques à ce moment-là. C'est vraiment intéressant d'être conscient de la façon dont il est resté stable pendant la plupart du temps de l'ère moderne et nous sommes passés à autre chose.
Journaliste : Vous avez tourné Personal Shopper dans un court laps de temps. Compte tenu d'un budget plus important/d'un délai plus long, y a t-il autre chose que vous changeriez ?
Olivier Assayas : Non parce que j'aime l'énergie de celui-ci. J'aime tourner de longues journées. J'ai tourné mes films récents en environ six semaines. Même Carlos. Carlos était en trois films, mais cela ressemblait à trois fois six semaines. Peut être que Something In The Air était un peu plus long. Mais, j'aime cette lutte avec le temps. C'est ce qui rend le processus passionnant. Lorsqu'il y a trop de temps, cela devient un peu ennuyeux et vous pouvez devenir … Bourgeois.
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