A l'occasion de la press junket américaine de Personal Shopper, Kristen et Olivier Assayas évoquent leur collaboration, l'intrigue du film, le tournage, le surnaturel et la douleur ou encore le métier de réalisateur dans une interview avec Esquire.
Ces trois petits points d'iMessage terrorisent également Kristen Stewart
L'actrice et le réalisateur Olivier Assayas discutent de leur dernière grande collaboration, Personal Shopper.
Des collaborations entre réalisateur et acteur ont produit quelques-uns des films les plus emblématiques de l'histoire. Burton et Depp. Scorsese et De Niro. Anderson et Murray. Avec seulement deux films ensemble à ce jour, le réalisateur Olivier Assayas et l'actrice Kristen Stewart ont le potentiel pour devenir l'un des plus grands tandems du cinéma. Dans leur nouveau projet, Personal Shopper, Stewart joue Maureen, une styliste qui se déplace dans Paris pour sa célèbre cliente. Maureen est également une médium, en deuil de la mort de son frère en essayant d'entrer en contact avec lui dans l'au-delà.
Après une rencontre surnaturelle dans leur vieille maison d'enfance, Maureen est hantée par une présence spectrale effrayante qui s'immisce dans sa vie, l'encourageant à sortir de la coquille qu'elle a créée autour d'elle. Dans une scène particulièrement excitante à bord d'un train, le 'fantôme' commence à communiquer avec Maureen par textos, la faisant flipper, mais l'excitant également avec le mystère de l'inconnu.Elle est bientôt menée dans un chemin de la compréhension de soi, en ce qui concerne sa place dans un monde où la perte est péniblement réelle.
En s'asseyant avec Assayas et Stewart, cela devient immédiatement clair que cela n'est pas une situation 'un artiste et sa muse'. Le duo a trouvé l'un dans l'autre une vraie collaboration mutuelle, aidant l'autre à exprimer ses pensées, ses idées et ses sentiments plus clairement qu'ils ne pouvaient le faire eux-mêmes.
Communiquer avec le royaume spirituel est toujours au cœur de notre culture, donc raconter une histoire de fantôme en utilisant la technologie moderne était logique.
Olivier Assayas : Je pense que se connecter avec un autre monde, se connecter avec l'au-delà, se connecter avec l'invisible, fait partie de la culture. Elle est très présente, même dans des sociétés extrêmement matérialistes comme les nôtres. Si vous parlez à n'importe quel pays asiatique, si vous parlez de la Chine ou du Japon, il s'agit presque d'un fait de la vie. Ils considèrent qu'il y a effectivement des forces autour de nous qui communiquent d'une manière ou d'une autre avec nous. Cela va même sans dire. Cette partie de notre imagination, cette partie de notre monde doit certainement se connecter avec les circonstances de la vie moderne, avec les outils de la vie moderne. Téléphones, internet, peut importe, c'est une extension de notre imagination, c'est une extension de notre mémoire, il se connecte en quelque sorte, c'est quelque chose de relié à notre cerveau.
Construire une scène passionnante autour de messages textos a été un défi unique en terme d’interprétation, de réalisation et de montage.
Kristen Stewart : Ces. Trois. Points. De mauvaise augure. Ou pas ? Ou tout simplement très titillant. Ces trois points peuvent être n'importe quoi. Oh mon dieu, combien de fois avez-vous genre, attendu, et puis ils s'en vont ? Oh avez-vous supprimé tout ce que vous étiez d'écrire ?
Olivier Assayas : Lorsque j'ai écrit la scène, j'ai pensé, cela va être facile, cela va être simple, vous savez, nous allons le tourner. Peu à peu, j'ai réalisé à quel point chaque élément unique a cet effet énorme sur la dynamique de la scène entière. Nous avons refait beaucoup de textos, parce que certains n'avaient pas les points, certains avaient les points et les points étaient importants, mais aussi le rythme de la dactylographie. C'est de l'interprétation, c'est de l'interprétation au même titre que les répliques.
Un téléphone portable est un partenaire de jeu étonnamment génial.
Kristen Stewart : Honnêtement, c'est le plus grand acteur. Je peux projeter tout ce que je veux sur lui. C'était seulement frustrant techniquement, lorsque nous n'avions pas de réception. On se disait, 'Allez !'. C'était tellement frustrant, parce que si nous avions la bonne émotion ou quelque chose du genre et si cela n'était simplement pas le bon moment, c'était ennuyeux.
Stewart est presque devenue une sorte de co-réalisatrice du film.
Olivier Assayas : Le sens de ce film, tout ce qui se passe dans ce film, est quelque chose qui est basé sur un scénario que j'ai construit. Mais la réalité de celui-ci, l'expression de celui-ci, est le visage que Kristen donne dans chaque prise. Le rythme de la prise, la longueur de la prise, tout ce qui se passe dans la prise est défini par la façon dont vous recherchez la réalité de celle-ci. Il s'agit du processus du fait de le ressentir de l'intérieur et de l'exprimer de la façon la plus authentique. C'est ce que nous voyons à l'écran et c'est ce que j'ai vu lorsque nous avons tourné. En fin de compte, Kristen a passé tellement de temps et d'espace sur ce qui lui est propre dans ce film, elle le dirige de l'intérieur.
Kristen Stewart : Je n'ai jamais travaillé avec quelqu'un qui était moins contrôlant et engagé mutuellement. D'habitude, on a le sentiment que c'est unilatéral, on me dit quelque chose et ensuite je montre quelque chose, puis on s'entend et on se sent plus proche, et c'est bien que nous soyons d'accord, mais [avec Olivier], je ne me suis jamais sentie moins attentive, mais avec plus d'orientation.
Personal Shopper était une chance pour Stewart de faire face à la douleur.
Kristen Stewart : Dans Personal Shopper, je me disais, 'Oh mec, cela va me tuer, je peux le dire'. J'ai fait l'expérience de la perte. Je n'ai pas expérimenté le deuil de la mort. Je pense qu'il y a peu de catalyseurs qui vous envoient des questions existentielles sans réponse qui sont très nécessaires. Mais pas satisfaisant parce qu'il n'y a pas de résolution, mais ils sont vraiment nécessaires pour aller de l'avant. C'est soit traumatique, ce sont des événements traumatiques comme la mort et la perte à grande échelle, ou l'anxiété physique extrême. Je suis tellement physique que je suis souvent limitée par cela et cela lance un processus de réflexion pour moi qui est absolument le même que Maureen, qui dit, 'Putain, est-ce que c'est réel ? Je ne sais même pas si je peux continuer, en fait je pourrais ne pas être en mesure de continuer'. Je savais donc que c'est douloureux et effrayant et la seule façon que nous pourrions le faire pour de vrai est si vous abandonnez toutes vos facettes par défaut et en fait vous devenez honnête à quel point nous sommes incapables et inconscients, plutôt que de s'appuyer sur toutes ces constructions que vous avez bâties pour passer à autre chose. Cela vous aliène immédiatement, vous devenez comme un étranger dans le monde entier.
Stewart a toujours voulu devenir réalisatrice et a eu l'avant première de son premier court métrage à Sundance en janvier.
Kristen Stewart : J'ai voulu [diriger] toute ma vie. J'ai commencé à jouer la comédie parce que je voulais diriger et j'avais 10 ans, alors cela n'allait pas se produire. Je viens de faire un court métrage. Je viens de le terminer. J'aime l'idée que vous pouvez avoir un processus de réflexion qui vous tient éveillé la nuit, mais si vous avez un tas d'autres personnes pour aider, vous pensez vraiment à quelque chose de manière indulgente depuis tellement longtemps et faire quelque chose, c'est ce que l'art permet aux gens de faire. Externaliser quelque chose d'incroyablement interne est si satisfaisant. C'est également une énorme responsabilité, c'est foutrement présomptueux de dire, 'Bon ok tout le monde, nous allons nous réunir et faire ce truc'. C'est vraiment coûteux. C'est un médium vraiment élitiste.
Alors qu'elle ne se considère pas comme une exhibitionniste, Stewart aime s'exposer dans son art.
Kristen Stewart : Tout ce que je veux, putain c'est partager ce truc. J'adore cela. Je ne suis pas une exhibitionniste, mais j'aime m'exposer. Parce que dès que quelque chose devient réel pour quelqu'un d'autre et que quelqu'un le voit, ou si vous trouvez le bon mot pour quelque chose, il peut exister. Parce que si quelqu'un ne le voit pas alors peut être qu'il n'est foutrement pas là. Vous savez, nous parlons de l'invisible tout le temps, mais si vous mettez en évidence l'invisible, il existe et il vous valide et vous n'êtes foutrement plus fou.
Pour Assayas et Stewart, les films sont une expression décontractée et collaborative plus que tout, et le contrôle, les réalisateurs se prenant pour des dieux ne sont pas son style.
Olivier Assayas : Je pense que le cinéma est une forme d'art collectif. Vous le partagez. Vous mettez quelque chose en mouvement et le point central est votre acteur. Je ne dirige pas des acteurs, je travaille avec des acteurs. C'est aussi toutes les énergies qui nous entourent qui convergent et créent quelque chose. Les films, ils expriment quelque chose qui est universel d'une manière ou d'une autre.
Kristen Stewart : Et ils sont également décontractés. Vous pouvez voir un échange. Il n'y a aucune impulsion à faire qui est unilatéral. Tout est communication. Le désir de communiquer est le désir de se connecter. C'est drôle, ces réalisateurs semblables à des dieux qui se disent, 'J'ai fait ma contribution !'. Je n'aime vraiment pas ces films.
Bien sûr, à la fin de la journée, c'est le réalisateur qui doit assumer la responsabilité.
Olivier Assayas : Je pense que vous canalisez les énergies. Vous êtes celui qui est responsable à la fin pour tout. Je pense que c'était un général français pendant la Première Guerre Mondiale qui a dit, 'Je ne sais pas qui a gagné une bataille, mais je sais qui sera blâmé si elle a été perdue'.
Kristen Stewart : C'est vrai, si ce film craignait, je dirais, 'Mon dieu, il a foiré !'.
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