A l'occasion de la press junket américaine de Personal Shopper, Kristen et Olivier Assayas parlent de leur collaboration, de leurs méthodes de travail, du film et de la carrière de l'actrice dans une interview avec The Washington Post.
Kristen Stewart – 'Je suis beaucoup plus l'aise avec le fait de ne pas être à l'aise'
Ne laissez pas le titre vous tromper. Dans Personal Shopper, la seconde collaboration de Kristen Stewart avec l'auteur français Olivier Assayas (Clouds Of Sils Maria), l'occupation principale ne se réfère pas seulement au travail journalier du personnage de Stewart, Maureen, une jeune femme garçon manqué qui se déplace dans tout Paris en scooter pour récupérer des vêtements coûteux, des chaussures et des bijoux pour sa cliente (Nore von Waldstätten), une célébrité globe trotter. Secrètement, elle déteste le travail.
La réelle vocation de son personnage, voyez-vous, est en tant qu'artiste. Elle est également quelque chose ressemblant à une médium spirituelle.
La nuit, Maurren erre dans la maison vide de son frère défunt Lewis, à la recherche d'un signe d'outre tombe. Le jumeau de Maureen, Lewis était également un médium et partageait une anomalie cardiaque congénitale avec sa sœur. Ils avaient convenu qui celui qui mourrait le premier enverrait à l'autre la confirmation d'une vie après la mort.
Mais ce serait une erreur de qualifier Personal Shopper comme une histoire de fantôme dans un sens littéral, dit Assayas, qui s'est assis pour une conférence téléphonique avec son actrice principale pour corriger les désillusions sur le nouveau film. En dépit de la présence d'un esprit frappeur évoquant l'ectoplasme, Personal Shopper est, selon le réalisateur âgé de 62 ans, moins une version art et essai de Ghostbusters qu'une métaphore sur 'la visibilité et l'invisibilité'.
'Il s'agit d'une histoire à propos de quelqu'un qui parvient progressivement à s'entendre avec elle-même et à comprendre son identité et, éventuellement, même sa propre féminité', dit Assayas. 'J'utilise les codes du cinéma de genre parce que c'est la meilleure façon de transmettre la peur intérieure, les angoisses intérieures et ainsi de suite'.
Si le titre est également une métaphore, il est particulièrement approprié. Après tout, n'est-ce pas la tâche de l'acheteuse de mode que de canaliser la personnalité – ou du moins les goûts – d'un autre individu ? Dans le film, on montre Maureen en train d'étudier l’œuvre d'Hilma af Klint, une peintre suédoise qui prétend que ses abstractions pionnières ont été commandées par des êtres du plan astral, ainsi que celle de l'écrivain Victor Hugo, qui croyait pouvoir communiquer avec les esprits de personnes célèbres mortes. D'une certaine manière, ne canalise t-on pas ce que fait chaque acteur ?
Selon Stewart – qui dit qu'elle n'est pas sûre de croire aux fantômes – la réponse est un oui retentissant.
'Je trouve cela vraiment généreux et idiot pour les artistes auto proclamés qui prennent un crédit immense pour leur travail, d'une manière qui est une autocélébration', dit l'actrice âgée de 26 ans, qui est devenue en 2016 la première Américaine à remporter un César de Meilleure Actrice Dans Un Second Rôle – l'équivalent français de l'Oscar – pour sa performance dans Clouds Of Sils Maria. 'Vraiment, vous venez juste d'être le point de réception de quelque chose qui passe par vous'.
'L'artiste n'est que la somme de son travail', continue Stewart, récitant une citation tirée de Just Kids, les mémoires de Patti Smith. 'L'Homme ne peut pas juger. Pour les louanges de Dieu et finalement cela lui appartient'.
Si l'Homme ne peut pas juger Personal Shopper, il a certainement essayé (bien que la feuille de marque est, jusqu'à présent, assez mitigée). Un public de connaisseurs a hué le film après une projection presse au Festival du Film de Cannes l'année dernière. Puis, la nuit suivante, l'avant première officielle lors du festival du film a reçu une standing ovation de cinq minutes.
En tant qu'actrice, Stewart dit qu'elle enchaîne de tels hauts et bas à la suite et elle compare son meilleur travail en participant à une sorte de séance de danse trance. 'Il n'y a jamais eu un moment où j'ai fait une scène et regardé autour de la pièce et disparu en disant, 'Ooooh, on a déchiré. On devrait être tellement fiers de cela'. Ce que vous faites est regarder autour et dire, 'Oh mon dieu, tout le monde a t-il ressenti cela ? Tout le monde a t-il la même chose ?'. Une fois que vous vous rendez compte de ce que vous avez fait et que vous avez réalisé cette connexion, cela donne toujours le sentiment d'être spirituel. On se dit, 'Wow, on est tellement chanceux d'avoir été assez ouvert pour laisser cela passer au travers de nous'.
Quelle que soit l'accolade que Stewart a reçu pour le film – et plus d'un critique a qualifié sa performance de fascinante – l'actrice donne toute la gloire non pas à Dieu mais à Assayas, qui dit qu'il a écrit le rôle de Maureen, une âme profondément perdue et troublée spécialement pour Stewart. 'Kristen a un contrôle tellement incroyable ce qu'elle fait', dit-il. 'En même temps, elle suit une liberté totale. C'est un mélange qui est extrêmement rare'.
Stewart décrit la manière de réaliser d'Assayas comme découlant moins de l'impulsion de raconter une histoire préconçue que de l'intérêt à poser des questions ouvertes. 'Dans ce cas', dit-elle, 'Il y avait le sujet [du fantôme], mais, bien plus encore, il y avait des questions vraiment pointues. Mais chaque personne de l'équipe – chaque membre de la distribution, moi y compris, et Olivier – nous avons tous eu des réponses différentes à ces questions. Que nos réponses à elles soient les mêmes ou pas, cela n'a pas vraiment d'importance. Ils ont défini le film, mais ils n'ont pas altéré notre course. Ce que nous avons finalement découvert, c'est que tout était une révélation plutôt qu'un accomplissement'.
Pas qu'il n'y ait rien de mal à faire des films où tout est coupé et séché, dit Stewart. Céder le contrôle complet à un réalisateur peut être tout aussi libérateur que de laisser les esprits vous déplacer. 'J'ai été impliquée dans des films où une histoire préexiste et est un peu aboutie et vous avez été embauché pour n'être pas plus qu'un porte-parole pour un réalisateur', dit-elle. 'Vous ressentez le contrôle et cela n'est pas toujours compressant, ironiquement. Parfois, c'est vraiment satisfaisant de frapper quelque chose de vraiment dur pour quelqu'un et de le faire d'une manière qui est contrôlée par eux'.
D'autre part, Stewart dit, qu'elle en est arrivée à réaliser que sa plus grande force réside maintenant dans ce qu'elle a déjà vu comme sa plus grande faiblesse : ce sentiment de maladresse douloureuse qui vient du fait d'être une introvertie 'naturellement timide'. Et comment l'a t-elle acquise ? Seulement de la manière dure, explique t-elle : en faisant des mauvais films. 'Chaque fois que quelque chose était vraiment planifié ou semblait être une excellente idée sur le papier et qu'il n'y avait rien qui pourrait aller mal avec elle, cela a toujours fini par être banal et vide et embarrassant et donc n'en vaut pas la peine'.
'Je suis beaucoup plus l'aise', dit-elle, 'Avec le fait de ne pas être à l'aise'.
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