vendredi 17 mars 2017

Personal Shopper : Interview d'Olivier Assayas avec Vice

A l'occasion de la press junket américaine de Personal Shopper, Olivier Assayas parle de Kristen, leur collaboration, ses qualités, l'intrigue du film, le surnaturel et les SMS dans une interview avec Vice. 


Olivier Assayas n'a jamais entendu le terme de 'faire le mort' auparavant. On pourrait penser que quelqu'un lui aurait fait connaître à n'importe quel moment entre aujourd'hui et Cannes l'année dernière, puisque son nouveau film, Personal Shopper, implique que Kristen Stewart devienne littéralement fantomatique. C'est à dire qu'elle entre dans une conversation par SMS frénétique, voyeuriste, menaçante et sexuellement chargée avec un fantôme, qui est peut être son frère jumeau décédé. Aussi étrange que cela semble l'être, il se traduit à l'écran d'une façon magnétique grâce à l'éclat de Stewart dans toutes les prises, le regard dévoué d'Assayas alors que son actrice principale essaie de magnifiques vêtements et sa sensibilité à la mode tout en démêlant cette histoire flippante.

C'est la seconde fois qu'Assayas travaille avec sa nouvelle muse. En 2015, le rôle de Stewart comme assistante personnelle de Juliette Binoche dans Clouds Of Sils Maria lui a valu un prestigieux Césarr (essentiellement l'équivalent des Oscars français), ce qui en fait la première actrice américaine à l'avoir obtenu. Personal Shopper est un mouvement beaucoup plus audacieux et expérimental pour Stewart, dont Assayas qualifie plus comme sa collaboratrice qu'actrice. Et puisqu'il s'agit d'un film d'Assayas, il ne nous donne pas de réponses claires dans son mystère du XXIème siècle. Et il ne se contente pas de rester dans une voie de genre – qu'il s'agisse d'une histoire d'horreur ou de suspense ou d'une histoire de passage à la majorité (même le montage du relooking ne ressemble à rien de ce que vous avez vu auparavant) – ou même un seul support, en utilisant des séances comme source d'inspiration dans les scènes fantomatiques et en filmant des longs échanges en va et vient qui se déroulent sur l'iPhone.

Avant un solide lancement dans le box office le week end dernier , nous nous sommes assis avec le réalisateur français réputé pour discuter de son nouveau film, le protocole des SMS et le travail avec Roman Polanski.

Journaliste : Le film est bien plus que des vêtements de luxe et de SMS, mais je parais tellement idiot à chaque fois que j'essaie de décrire le film. Avez-vous eu du mal à obtenir votre vision avant d'avoir fait le film ?
Olivier Assayas : Eh bien, pas vraiment. Kristen Stewart a été immédiatement impliquée dans le projet et nous avons fait ce film avec très peu d'argent – environ 5 millions de dollars. Si j'ai du faire un pitch, j'aurais eu du mal.

Journaliste : Avez-vous vu Elle ? Cela m'a un peu rappelé cela : la façon dont les femmes font face à la douleur ou à la perte et la façon dont parfois cela n'a aucun sens pour les autres. 
Olivier Assayas : Oui, j'avais Elle. Je pense que le film est, en fin de compte, exactement comme vous le décrivez. C'est vraiment l'histoire d'une autre personne ou simplement de quelqu'un qui, par la douleur, redevient elle-même. J'ai utilisé divers éléments – l'angoisse, la peur, peu importe – pour aider le public à partager ces émotions très fondamentales. Et puis j'ai essayé de le transmettre à travers les éléments de genre.

Journaliste : Est-ce bizarre que les gens commencent tout juste à écrire des choses au sujet de Kristen Stewart comme, 'Il s'avère qu'elle est en fait une excellente actrice', après vos films ?
Olivier Assayas : Je l'ai toujours adorée. Je ne savais pas jusqu'où nous pourrions aller ensemble. Je l'avais vue dans le premier film Twilight. Je l'avais vue dans Into The Wild et elle était incroyable. Et je l'ai également adorée en jeune Joan Jett dans The Runaways. J'ai pensé qu'elle recevait cette sorte d'énergie punk tellement bien. J'ai toujours pensé qu'elle était une actrice très spéciale. Jusqu'où elle pourrait aller, je n'en avais aucune idée. Je l'ai découvert pendant que nous tournions Clouds Of Sils Maria. J'ai réalisé que pour chaque petite chose qu'elle devait faire, elle le transformait en quelque chose qui était complètement cinématographique. Je ne pense pas avoir inventé Kristen ou peu importe. C'est vraiment son talent et son travail acharné, mais je pense que j'étais la bonne personne au bon moment parce que je pouvais lui dire que c'était ok d'être elle-même.

Journaliste : Bien, c'est un matériel beaucoup plus étrange.
Olivier Assayas : Ouais, cette scène dans laquelle elle essaie des vêtements a vraiment été une création de Kristen. J'ai dit à Kristen, 'Ne t'inquiète pas, prends ton temps, fais-la comme tu veux et je ferai du montage'. Et puis, lorsque je l'ai vue le faire, j'ai pensé, 'Oh mon dieu, je ne vais pas faire du montage de cela'. Elle a tiré quelque chose de chaque mouvement. Je veux dire, c'est ce que fait Kristen ; elle est comme une danseuse. Elle a également cette conscience très précise de la façon dont un moment peut être sexy. Et elle le microgère d'une manière brillante.

Journaliste : Est-ce que vous connaissez le terme de 'faire le mort' ?
Olivier Assayas : 'Faire le mort' ?. Non.

Journaliste : Ok, disons que vous sortez avec quelqu'un ou vous envoyez des SMS ou vous communiquez avec eux, puis soudainement ils cessent de vous parler. C'est ce que vous appelez 'faire le mort'. Je continue de penser que vous portez ce concept de 'faire le mort' au prochain niveau littéral dans votre film. 
Olivier Assayas : Ah oui, oui, oui. Je ne connaissez pas le terme, mais j'aime l'idée de la dramaturgie des SMS. Surtout lorsqu'il s'agit d'une sorte de chose sexuelle bizarre, vous voyez ? J'aime l'idée de la scène de séduction, par quelqu'un que bous ne connaissez pas, mais vous pouvez fantasmer. Et donc, j'aime l'idée qu'elle soit entraînée dans ce genre de chose qui a à voir avec le désir physique ou le désir sexuel ou peu importe comment vous l'appelez. Et aussi par quelqu'un qui est simplement une entité abstraite et cela pourrait être un garçon ou une fille.

Journaliste : Vous avez décidé d'y inclure des accusés de lecture, ce qui est souvent considéré comme impoli. Je suppose que c'est parfait pour qu'un fantôme le fasse. Pensiez-vous à ce protocole des SMS spécifique ?
Olivier Assayas : Eh bien, ce que je voulais capter en fin de compte, c'est la complexité de cette forme spécifique de communication. Je pense que j'ai eu une intuition de cela, mais je n'ai pas réalisé jusqu'à ce que nous soyons en fait sur le tournage du film. Lorsque j'ai commencé à faire le montage, tout d'un coup, chaque petite nuance résonnait de façon très complexe. Les gens sont tellement habitués à communiquer par le texte ; il s'agit d'une expérience que nous partageons tous … Toutes les petites nuances de la façon dont vous répondez, la façon dont vous ne répondez pas, la façon dont vous retardez la réponse. Je voulais pouvoir reproduire la complexité de cette langue dans le film.

Journaliste : Vous utilisez un fantôme fait en effets spéciaux, ce qui n'est évidemment pas votre astuce habituelle. Comment avez-vous dirigé cette scène pour obtenir exactement ce que vous vouliez ?
Olivier Assayas : C'était un processus complexe. Je ne voulais pas me relier à des règles spécialisées contemporaines ; je voulais pouvoir me connecter avec quelque chose d'un peu plus railleur, plus brut, comme la photographie spiritualiste à la fin du 19ème siècle. Ils ont utilisé la photographie pour reproduire ce qu'ils ont imaginé ce qu'ils ont vu pendant les séances. J'ai donc utilisé ce genre de photographie et utilisé la description par des médiums de ce qu'ils ont vu au cours des séances. Je pense que finalement ce que nous avons fini par mettre sur l'écran est aussi proche que possible de la façon dont les esprits ressemblaient dans l'imagination des médiums.


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