A la veille de l'ouverture du Festival de Cannes 2016 dont elle est d'ores et déjà la figure de proue, Kristen pose en couverture du magazine américain Variety dans son numéro dédié au Festival.
Elle revient sur ses choix et sa carrière, Woody Allen, la Saga Twilight, la suite de Blanche Neige Et Le Chasseur, Hollywood et la sexualité.
Kristen Stewart arrive à un restaurant français à Los Feliz sans entourage – pas de publiciste, aucun garde du corps. Elle est incognito, avec un chapeau vissé sur la tête, les mains dans les poches, les bras nus arborant des tatouages. Ressemblant à un autre hipster, elle salue le serveur avec un doux 'Quoi de neuf, mec ?' (mec et putain sont ses deux mots préférés) et commande une coupe de champagne avec une coupe de glace. Alors qu'elle réfléchit sur sa vie, elle sirote des goulées par intermède, laissant les glaçons, un par un, se mélanger avec les bulles.
A seulement 26 ans, Stewart est en train de réinventer sa carrière. Après avoir été catapultée en pleine gloire à 17 ans dans la franchise vampirique pour jeunes adultes Twilight, elle ne pouvait pas quitter sa maison sans avoir les flashs des appareils photo à chacun de ses pas. Le public est devenu obsédé par sa relation avec son petit ami de l'époque (et partenaire) Robert Pattinson et elle a été placée en tête des listes de souhait de chaque studio de cinéma pour incarner les rôles de it girls [note du staff : filles du moment]. Mais depuis qu'elle a mis Bella Swan derrière elle en 2012, elle a tourné le dos à ces sollicitations. Au lieu de cela, elle a choisi des rôles de personnage – comme la fille dans Still Alice et l'assistante personnelle d'une célébrité dans Clouds Of Sils Maria d'Olivier Assayas, qui lui a valu le César l'année dernière.
'Je ne me suis pas taillée un certain chemin', dit Stewart à propos de ses années Twilight. 'Je n'ai pas eu à me battre ardemment pour être prise au sérieux. Même si la Saga Twilight m'a forgé et défini aux yeux des autres personnes d'une certaine manière, pour moi ce n'était pas quelque chose dont je devais m'éloigner'.
'C'était simplement une longue expérience sur un film que j'ai aimé'.
Les cinq blockbusters basés sur les livres de Stephenie Meyer ont généré 3,3 milliards de dollars dans le monde entier, mais aussi mis une croix sur la vie privée de Stewart. Elle est devenue la célébrité la plus cherchée sur Internet – la première jeune femme actrice à prendre les rennes d'une franchise de films en 24 heures sur le site TMZ. 'Toutes les personnes que j'ai rencontrées me connaissant déjà', dit-elle. 'C'est étrange'.
En 2012, lorsque les photos d'elle en train d'embrasser le réalisateur marié Rupert Sanders ont fait surface après la sortie en salles de Blanche Neige Et Le Chasseur, elle a présenté des excuses publiques – un moment atroce pour une actrice d'habitude si discrète sur sa vie personnelle. Stewart, qui appelle l'incident 'le scandale', estime que la société savoure le fait de détruire les femmes pour les mettre à terre.
'Les femmes sont les premières à juger les autres', dit-elle. 'Il s'agit de quelque chose de très inné, instinctif, foireux, très animal'. Mais les projecteurs ne l'ont pas découragé de jouer la comédie.
'C'était quelque chose qui était nuisible', déclare Stewart à propos du mauvais côté de la célébrité. 'Comment m'en vouloir alors que vous ne m'avez jamais réellement rencontré ?'.
Après avoir pris 18 mois de congés après la sortie du dernier opus de la Saga Twilight en 2012 – 'C'était une telle surmédiatisation', dit-elle – Stewart est revenue avec une rage de faire des films. Son curriculum vitae est maintenant rempli de films indépendants avant gardistes et expérimentaux et elle a accumulé des points miles en tant que voyageur fréquent en voyageant dans des festivals de cinéma. Elle a débuté l'année 2016 à Sundance avec Certain Women de Kelly Reichardt, dans lequel elle joue un professeur qui donne des cours du soir pour adultes qui a une relation douce amère avec une étudiante (Lily Gladstone). Elle a le rôle phare dans Equals de Drake Doremus, une histoire d'amour dystopique qui a fait ses débuts à Venise et sortira en salles le 15 juillet. Elle vient juste de terminer un rôle central de sœur d'un héros de guerre d'Irak tourmenté dans Billy Lynn's Long Halftime Walk d'Ang Lee, qui fera ses débuts à l'automne.
Et elle a deux films au Festival du Film de Cannes : la comédie qui fait la soirée d'ouverture de Woody Allen Café Society, dans lequel elle dépeint une secrétaire à la Audrey Hepburn des années 30 et Personal Shopper d'Assayas, une histoire de fantôme étrange dans laquelle elle apparaît dans chaque scène.
'Elle jouait ce que j'ai écrit, mais elle l'a mené dans une autre dimension', déclare Assayas. 'C'est la chose la plus excitante dont vous pouvez être témoin'.
Stewart a grandi à Los Angeles et a attrapé le virus du métier d'acteur grâce à sa famille. Sa mère, Jules Mann-Stewart, a eu une carrière en tant que scénariste. Son père, John Stewart, est un responsable de plateau qui a travaillé sur le show pré Oscars cette année. Après son 8ème niveau [note du staff : au collège, à 13/14 ans], lorsque sa carrière au cinéma a décollé, elle a cessé d'aller à l'école publique pour favoriser l'enseignement à la maison.
'Ses parents sont simplement des gens du métier impliqués', déclare Jodie Foster, qui a joué à l'écran Stewart âgée de 11 ans dans Panic Room.
'Ce fut l'approche de Kristen vis à vis du métier d'actrice ; c'était un boulot'.
Déjà à cette époque, Foster a décelé une qualité familière chez Stewart. 'Je sais que cela peut sembler comme quelque chose de prétentieux', dit Foster. 'Mais elle m'a vraiment rappelé celle que j'étais enfant. Elle avait toute la joie d'être un enfant, mais c'était vraiment comme être avec un adulte'.
Stewart a entendu les gens la qualifier de réservée. Elle admet qu'elle est toujours nerveuse sur les tapis rouges, ce qui explique pourquoi elle a parfois l'air malheureuse lorsqu'elle les foule. 'La masse de tumulte grandissant que j'ai dû gérer face à tout le monde est extraordinaire', dit-elle. 'Pour quelqu'un qui est ultra sensible et méfiante, c'est l'endroit idéal pour moi pour être bousculée, parce que je me dis, 'Oh putain de dieu. Maintenant je dois vivre dans une putain de maison sans dessus dessous et rester debout et dire, 'Non, je mérite d'être ici''.
Elle garde de super souvenirs du tournage du tout premier Twilight, le film qui a changé sa vie. Mais elle admet que les suites auraient dû être tournées plus rapidement. 'Pour les suivantes, nous avons essayé de satisfaire quelque chose qui était moins spécifique', dit Stewart. 'Il y avait une crainte qui dictait la raison pour laquelle nous étions là. Il n'y avait pas de cohésion. Je pense qu'ils les ont achevés correctement parce qu'il y avait encore une passion individuelle. Ils se sont en quelque sorte crashé contre un mur – mais ils ont essayé'.
Après Twilight, elle a tourné un blockbuster pour studios en 2012 : Blanche Neige Et Le Chasseur, qui a rapporté presque 400 millions de dollars à l'échelle mondiale. Mais lorsque le moment de tourner la suite vint, Universal n'a pas fait de nouveau appel à elle. Rétrospectivement, elle est heureuse. La sortie le mois dernier du film Le Chasseur Et La Reine Des Glaces était un retour aux origines du conte mettant en vedette Chris Hemsworth, qui a fait un flop au box office. 'J'ai lu quelques scénarios', se souvient Stewart. 'Aucun n'était bon. Aucun n'était en mesure d'obtenir un feu vert. Et j'ai eu une réunion avec Universal à propos des directions possibles pour la suite de l'histoire. Chris était peut être plus convaincu. En fait, je n'en sais foutrement rien'.
Elle insiste sur le fait que la couverture des tabloïds à propos de sa relation avec Sanders n'a pas été prise en compte dans la décision d'Universal. 'Cela ne fut pas une situation où j'ai été débarquée d'un film parce que j'avais fait une bêtise', dit-elle. 'Nous avons été en pourparlers plusieurs mois après cela pour faire fonctionner quelque chose et cela n'a jamais fonctionné'.
Stewart a découvert qu'une suite avait été faite dans un communiqué de presse. 'Je me suis dit, 'Ok cool'', dit-elle en riant. Elle plaisante sur sa relation avec Universal, 'Nous n'avons pas parlé pendant un sacré moment, mais je ne savais pas que nous avions rompu'. Le studio lui a tendu la main pour lui demander si elle souhaiterait apparaître dans un caméo en tant que Blanche Neige. Elle leur a dit, 'Je pourrais vous laisser cela. J'étais vraiment pour, mais –', elle ajoute avec un sourire. 'Donc maintenant je me dis, 'Dieu merci !''. (Universal n'a pas répondu à une demande de droit de réponse)
Malgré son attachement pour les films indépendants, Stewart n'est pas opposée au fait de refaire des blockbusters. 'Je suis une gamine de la Valley', dit-elle. 'J'aime les gros films que tout le monde voit et je suis foutrement impatiente d'avoir l'opportunité d'en refaire un. Cela doit être avec les bonnes personnes et au bon moment'.
Café Society est le premier rôle depuis Twilight pour lequel Stewart a dû passer une audition. Elle pensait avoir raté sa lecture parce que le rôle était un sacré morceau. 'J'ai une sorte d'énergie intense et elle est complètement l'opposé', dit Stewart, se référant au personnage qu'elle incarne à l'écran. Le film, qui se déroule dans les années 30, se focalise sur deux hommes – un agent hollywoodien (Steve Carell) et son neveu (Jesse Eisenberg) – qui se font concurrence pour l'affection d'une belle secrétaire de bureau (Stewart).
Allen n'était pas intéressé par le fait de cajoler sa star. En fait, il se moquait de la façon dont elle se comportait entre les prises. 'Je lui ai dit qu'elle marchait comme un lanceur remplaçant sortant du banc de touche', déclare Allen. Mais à la caméra, Stewart a capté la légèreté de son personnage et projeté une vulnérabilité gagnante. 'Si nous étions en 1944 ou 1935, elle aurait été l'une de ces stars de cinéma avec une beauté à couper le souffle', dit Allen, qui a fait l'impasse sur Twilight, découvrant Stewart plutôt sur le film indépendant de 2009 Adventureland. 'Elle aurait été dans le panthéon des actrices classiques comme Rita Hayworth ou Elizabeth Taylor'.
Stewart a ses propres histoires à raconter au propos du travail avec Allen. 'Il est tellement jouer de lui-même', dit-elle. 'Il sait comment procurer une bonne impression de lui-même et il trouve cela amusant'. Après qu'une journée de tournage de 8 heures soit achevée, elle ajoute, 'Il nous demandait toujours ce qu'on faisait après le boulot', comme s'il attendait une réponse secrète. Elle a reçu deux notes de la part du réalisateur. 'Cela semblait faux' et 'Accélère, je suis en train de m'endormir'. Mais à la fin, il a utilisé les prises les plus lentes. 'Il essaie de vous convaincre qu'il est complètement inconscient', dit Stewart. 'Vous vous dites, 'Putain, est-ce qu'on en train de tourner le film de Woody Allen qui est le plus anti Woody Allen-ien ?' Mais finalement, je pense que nous avons fait celui qui se rapproche le plus de son style par excellence'.
Stewart admet qu'au départ, elle avait des préoccupations concernant le fait de travailler avec Allen. Elle était au courant des allégations d'abus sexuels de sa fille, Dylan Farrow, qui a écrit une lettre ouverte au New York Times en 2014, condamnant les actrices comme Emma Stone et Scarlett Johansson pour soutenir son travail. Après qu'elle ait été castée, Stewart a eu une conversation avec Eisenberg à propos de la situation.
'Je me disais, 'Qu'est-ce que tu en penses ?' On ne connaît aucune de ces personnes impliquées. Je peux personnifier des situations, ce qui serait vraiment mal'. A la fin de la journée, Jesse et moi avons parlé de cela. Si nous étions persécutés par la quantité de merde qui a été déversée nous concernant et qui n'est pas vraie, nos vies seraient finies', déclare Stewart. 'L'expérience de faire le film était tellement en dehors de cela, cela a été fructueux pour nous deux d'aller de l'avant'.
Eisenberg dit qu'il ne se souvient pas de la conversation, mais il est impressionné par la façon dont Stewart a géré sa célébrité. 'Si je devais devenir président des Etats Unis, je n'aurais qu'un petit aperçu de l'attention qu'elle expérimente', dit-il. 'J'ai toujours les trois mêmes personnes qui s'intéressent à moi ; j'ai un lien avec eux. Elle, elle a des hélicoptères qui la suivent'.
La philosophie de Stewart à propos de sa vie personnelle a été de détourner les questions au sujet de ses intérêts amoureux. 'Lorsque je sortais avec un mec, je ne parlais jamais de mes relations avec personne', dit-elle. 'Je ressens la même chose aujourd'hui'. Elle n'utilise pas le mot de 'petite amie', même si elle a été photographiée en public avec des femmes avec lesquelles elle était censée être en couple. 'Je ne cache rien', dit-elle. 'Et je suis très évidente … '. Elle laisse le dernier mot de cette phrase en suspens.
Kristen dit qu'elle est inspirée par la façon dont les jeunes perçoivent l'amour sans étiquettes. 'Il y a l'acceptation qui est devenue réellement effrénée et cool', dit-elle. 'Vous n'avez pas à savoir immédiatement comment vous définir'. Stewart ne se sentait pas comme cela en grandissant, mais elle est en arrivée à adopter cette vision des choses. 'Il fallait que j'obtienne une sorte de réponse à propos de qui je suis. J'ai ressenti cette responsabilité bizarre parce que je ne voulais pas avoir l'air apeurée. Mais rien ne semblait approprié. Alors, je me disais, 'Bordel comment est-ce que je peux définir ça ?' Je ne vais pas le définir. D'autre part, je ne voulais merder avec d'autres personnes', dit-elle, faisant référence aux adolescents qui luttent avec leur sexualité. 'Je ne voulais pas être cet exemple : c'est si facile. Je ne veux pas que cela donne l'impression que c'était quelque chose de stupide pour eux de vivre un moment difficile'.
Elle dit qu'elle veut être impliquée dans la communauté LGBT [note du staff : lesbien, gay, bisexuel et transgenre]. 'Je trouve le mouvement qui est en train d'émerger est tellement important que je veux en faire partie', dit-elle, sans utiliser le mot 'gay'. (Lorsqu'on lui demande de confirmer ce qu'elle veut dire, elle plaisante avec un journaliste de Variety : 'Genre par exemple, dis-le pour que je puisse l'imprimer ?'). 'Ne pas me définir à l'heure actuelle est la structure de ce que je suis', dit-elle. 'Si vous ne le comprenez pas, je n'ai pas de temps pour vous'.
Elle a pris la décision d'apparaître en public avec des petites amies – devant les paparazzi – parce qu'elle est à l'aise avec les images qui sont publiées. 'C'est vraiment important pour moi', dit-elle à propos des jeunes fans voyant ces images. 'Même si je me protéger, il ne s'agit pas de se cacher. Dès que vous commencer à bâtir plein de murs, vous ne pouvez voir par dessus ces derniers, alors vous commencez simplement à vous isoler d'une façon qui n'est pas honnête. J'ai trouvé avec certitude où je suis à l'aise. Je ne m'accorde aucun crédit pour cela'. Elle dit que les temps ont changé et que sa publiciste n'a même pas besoin de lui demander comment elle va gérer ces questions. 'Les choses ont vraiment changé de cette merveilleuse façon. Je récolte les bénéfices'.
Cela sera le troisième voyage de Stewart dans le Sud de la France, où elle est adorée par les fans et la presse. Elle est d'abord venue à Cannes en 2012 avec Sur La Route et elle est revenue avec Clouds Of Sils Maria deux ans plus tard. Elle se souvient d'avoir assisté à la cérémonie des César, ne sachant pas complètement . 'C'est vraiment un putain de truc', dit-elle. Contrairement aux Oscars, il n'y avait pas de limite de temps pour les discours de remerciements, alors la cérémonie a traîné pendant plus de quatre heures. Tout était également en français, une langue que Stewart ne parle pas.
Elle avait été avertie par sa partenaire, Juliette Binoche, qu'elle ne serait jamais appeler à monter sur scène – mais elle est devenue la première actrice américaine à remporter le prix. Elle avait prévu un discours en cas d'urgence. 'Si je gagnais, alors j'allais monter sur scène et dire, 'Désolée, je ne parle pas français' en français et remercier Olivier et Juliette, ce que j'ai fait il me semble. N'est-ce pas ?'. La cérémonie n'est pas terminée avant 1 heure du matin, à cause de toute cette longue succession de remerciements. 'Je suis arrivée à un putain de dîner à 3 heures du matin', dit-elle. 'J'étais en train de m'endormir'.
Après Cannes, Stewart va enfin avoir un peu de temps pour se reposer. Elle ne va prendre aucun rôle avant d'avoir réalisé un court métrage qu'elle a écrit il y a quelques années – une histoire non linéaire avec un seul acteur. Comme Foster, elle envisage une carrière en tant que réalisatrice.
'J'ai grandi sur un plateau de cinéma et avant que je ne sois actrice, je voulais tellement faire partie de ce sentiment, où tout le monde protégeait ce trésor', dit-elle. 'Tout le monde faisait des conneries et travaillait trop d'heures et sacrifiait sa vie pour découvrir quelque chose. Je ressentais cette protection et je sais que cette possibilité existe. Je veux tellement en être responsable'.
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