samedi 11 avril 2015

En pleine promotion américaine de Clouds Of Sils Maria, le réalisateur Olivier mentionne Kristen et Juliette Binoche ainsi que le tournage du film.



Journaliste : Vous parlez du passage du temps mais Juliette joue une actrice assez connue donc nous voyons le passage du temps de quelqu'un dans le feu des projecteurs.
Olivier Assayas : Je savais que la seule chose que je pouvais faire avec Juliette et que quelques autres réalisateurs pourraient faire serait de faire un film où elle serait elle-même. Elle n'est pas exactement Juliette Binoche. Maria est une personne légèrement différente, mais malgré tout, lorsque vous regardez le film, une partie de vous regarde Juliette Binoche. Beaucoup de ce nous supposons à propos du personnage est ce que nous pensons que nous connaissons à propos de Juliette et de sa carrière. Dans beaucoup de films, vous essayez d'effacer autant que faire se peut ce que le public connaît d'un acteur spécifique. Vous voulez que l'acteur se fonde dans votre récit, qu'il devienne totalement une autre personne, donc vous finissez par oublier que c'est Gérard Depardieu que vous regardez. Dans ce cas, c'était important pour le film que le public reste conscient que l'actrice qu'ils regardent est également Juliette Binoche, et aussi, que ça résonne à travers tout le film car à la fin, vous n'oubliez jamais que vous regardez Kristen Stewart, même si elle joue Valentine, vous avez toujours au fond de votre esprit qu'il s'agit en fait de Kristen. Pareil pour Chloë. Il y a un élément dans le film qui est une chose que je n'ai pas vraiment souvent utilisé dans mes films, qui donne en quelque sorte à cette histoire une lumière spécifique. 

Absolument. Même lorsque Kristen joue une assistante personnelle, beaucoup de choses qu'elle dit sont des choses dont vous attendez peut être que son assistant personnel pourrait dire. Cela en fait un film avec plein de superpositions.
Cela vous montre que le sens de l'humour de Kristen est vif et c'est toutes ces choses encore, si vous regardez le film, vous pourriez penser, 'Oh, je ne savais pas que Kristen Stewart avait ce sens de l'humour', qu'elle peut s'amuser avec la façon dont les gens la perçoivent comme elle le fait dans ce film. Ce sont tous ces éléments qui jouent un rôle dans le film.

Dans quelle mesure était-ce important pour vous que vous obteniez Kristen pour ce rôle ?
Oh, elle était vitale pour ce film, car Juliette est une actrice très puissante. Elle absorbe toute l'énergie autour d'elle alors elle avait vraiment besoin d'avoir quelqu'un de très fort en face d'elle qui incarnait, non seulement une actrice de talent, mais aussi une jeune actrice très accomplie. Car ce genre de poussée est plus que menaçante et ça l'oblige à essayer des choses. Cela la met au défi et je pense que c'est vraiment important de donner des défis aux acteurs, en particulier lorsque vous travaillez avec quelqu'un comme Juliette, qui a tant fait, qui a tellement prouvé. Je pense que c'est aussi ce qui est excitant pour elle. Plus grand est le défi, plus excitant est le rôle. Je pense que Kristen était vraiment une partie du défi de Juliette sur ce film.

La section principale du film tourne simplement autour d'elles et la ligne entre la réalité et leur jeu est si floue, mais elle fait également face au fait de jouer un rôle qui est une version plus âgée d'elle-même.
Vous savez, ce n'est absolument pas un film complexe. Je pense que c'est un film très simple. Il devient complexe dans l’œil du spectateur d'une certaine manière, car il joue sur une ligne très simple. Il s'agit juste d'une actrice qui travaille un rôle avec son assistante, est en désaccord avec l'assistante sur la manière d'aborder le rôle, l'assistante s'en va et elle joue sur scène à jouer le rôle. Le reste est anecdotique, donc c'est aussi simple que ça. Mais ensuite, parce qu'il y a un écho entre ce qui se passe dans la pièce qu'elles répètent et la dynamique entre cette femme et son assistante, parce que Juliette est Juliette et Maria à la fois, et parce que Kristen est Kristen et Valentine à la fois. Tout à coup, cela devient carrément comme un flipper. Les choses sur lesquelles vous n'avez pas de contrôle commencent à faire écho. Vous utilisez certains éléments et tout à coup, ils prennent vie, ce qui est finalement ce que vous espérez toujours dans les films. Ils s'animent et ils provoquent l'interaction, ils provoquent des connexions que finalement vous n'aviez pas imaginé. Dans un sens, c'est comme un jeu et le public fait partie du jeu. Le public n'est pas seulement témoin du jeu, la manière dont le public interprète ce qui se passe en fait vraiment partie.

Juliette semble choisir des rôles présentant des défis en général, qu'il s'agisse de films comme Copie Conforme ou celui-ci et elle fait des choix intéressants.
Je pense que cela a voir avec deux choses. C'est une question de personnalité, mais aussi, lorsque vous avez tant de choses, quand vous avez joué tant de rôles, vous cherchez des choses qui sont différentes. Vous voulez essayer de nouvelles choses. Vous voulez faire des choses que vous n'avez jamais faites, alors bien sûr vous avez des acteurs et des actrices qui aiment jouer la sécurité ou plus ou moins jouer des rôles similaires encore et encore car c'est leur zone de confort. Ce qui est excitant à propos de Juliette c'est qu'elle a peur d'être dans sa zone de confort. Elle estime que si elle est dans sa zone de confort, elle va s'endormir ou quelque chose comme ça. Elle a besoin d'essayer quelque chose, juste pour rester éveillée et rester jeune d'une certaine manière, ce qui est à peu près ce que le film est aussi.

Cela semble également être votre approche au plus près de la comédie, au moins c'est l'un des films les plus drôles que vous avez réalisé.
Ouais, avec Irma Vep, c'était une sorte de comédie mais depuis, pas tellement. Quand j'écrivais, je savais que c'était une comédie. Je n'avais aucune idée jusqu'où j'irai, ensuite j'ai donné le scénario aux gars qui financent les films et ils ont dit, 'Ça ? Une comédie ? Vous plaisantez ?'. J'étais là assis dans les bureaux des gars qui financent le film et je disais, 'Non, je vous le promets. Cela va être drôle'. Et ils ont dit, 'Eh bien, ne vous foutez pas de nous. Vous voulez juste nous vendre votre film. Nous savons que ça ne va pas être drôle'. 'Mais je vous le promets ! Ce truc va en fait être drôle !'. Bien sûr, cela devient plus drôle que le scénario basé sur la dynamique entre les acteurs. C'est la façon dont j'insiste sur ces éléments avec Juliette et Kristen. Ce sont des choses qui arrivent sur le plateau de tournage. Vous avez les éléments pour aller là-dedans, mais finalement, c'est la façon dont vous utilisez ces éléments sur votre plateau de tournage et la manière dont vous canalisez vos acteurs.


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