“Maps to the stars”, le rêve hollywoodien dépecé par David Cronenberg
Festival de Cannes 2014 | Règlement de comptes dans un Hollywood décadent. Sous le regard clinique de David Cronenberg, “Maps to the stars” (présenté en compétition, et sortie en salles le 21 mai) prend des airs d’opéra monstre et réjouissant.
Au début de Mulholland Drive, de David Lynch, une jeune femme blonde (Naomi Watts) arrive à Los Angeles en avion, elle a un visage lumineux et des étoiles dans les yeux. Au début de Maps to the stars, de David Cronenberg, une jeune femme blonde (Mia Wasikowska) arrive à L.A. en car, son front est partiellement brûlé et elle a de la haine dans le regard – elle vient pour régler ses comptes. Le film de Lynch partait des vestiges du rêve hollywoodien pour mieux les réduire en cendres. Celui de Cronenberg part directement des cendres. Zéro illusion, aucune candeur. L’incendie a déjà eu lieu et il menace à tout instant de reprendre de plus belle. Il envahit l’affiche du film.
Maps to the stars est un jeu de massacre, dans une lignée qui va du Billy Wilder de Boulevard du crépuscule au Robert Altman de The Player en passant par le Robert Aldrich de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? Le jeu compte autant que le massacre. Il consiste à pousser à fond tous les curseurs du vice. L’avidité, le narcissisme, le sadisme et autres pulsions communément associées à la capitale du cinéma alimentent une sorte d’opéra tragique et grotesque. Pour une bonne part, c’est un portrait fantasmatique de Hollywood, monstrueux comme on aime à le rêver. D’ailleurs, très peu de scènes ont vraiment été tournées sur place…
Logiquement, la figure centrale du tableau est une actrice vieillissante (pléonasme à Los Angeles), plus que jamais assoiffée de reconnaissance, dont l’ego a supplanté tout sens moral – géniale Julianne Moore. Elle est écrasée, de surcroît, par le fantôme d’une mère plus star, plus culte qu’elle : imaginons Melanie Griffith encombrée par l’aura de sa maman, Tippi Hedren, l’icône hitchcockienne des Oiseaux et de Marnie. On entre dans sa villa et son intimité grâce à Agatha, la jeune fille au front brûlé, qui se fait engager comme nouvelle assistante personnelle après que la précédente a été internée.
Au-delà des noms de célébrités existantes balancés çà et là, non sans sarcasme, certains protagonistes renvoient à une réalité plus précise et contemporaine de Hollywood. Agatha se rappelle au bon souvenir d’un richissime « doctor feel good » (John Cusack), ce mélange local de psy, de coach et de gourou. Il tient les stars sous son emprise, les fait pleurer en les massant, et croit lui-même en la doctrine fumeuse qu’il professe. Son fils de 13 ans, tête d’affiche arrogante d’une comédie familiale qui a rapporté « 750 millions de dollars dans le monde », est déjà en cure de désintoxication à la demande des producteurs. Ce personnage – le plus saisissant – évoque Macaulay Culkin, l’enfant star de Maman, j’ai raté l’avion, qui dut arrêter pour toujours sa carrière à l’adolescence, pris dans une spirale de provoc et d’autodestruction.
La patte de David Cronenberg, outre un goût jamais démenti pour la monstruosité, consiste à marier ces comportements extrêmes avec l’esthétique froide, mate et assourdie de ses derniers films – Cosmopolis, A dangerous method. Un style clinique pour dépeindre une ville devenue une clinique psychiatrique géante. La folie se déchaîne dans des intérieurs au design zen. A l’abri des baies vitrées et des murs d’enceinte des villas, Hollywood est le royaume de l’inceste, de la consanguinité et du parricide : Atrides City au bord du Pacifique.
Le poème fameux de Paul Eluard Liberté, qui revient, par bribes, en voix off, est le contrepoint parfait à l’hystérie ambiante. L’invocation d’un idéal, au-dessus des objectifs de gloire et d’enrichissement poursuivis par les personnages : « J’écris ton nom », comme un désir d’échappée vers on ne sait quel ailleurs. Le titre du film doit aussi s’apprécier en ce sens. Les maps to the stars sont les cartes vendues aux touristes de Los Angeles, qui mentionnent les villas des étoiles du cinéma, nichées sur les collines. De façon plus ironique, ou poétique, on peut les envisager comme une cartographie du ciel. L’indication d’une route vers l’infini, sinon vers l’au-delà.
Source : Telerama
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