mardi 14 avril 2015

Alors qu'il assure la promotion de Clouds Of Sils Maria, Olivier Assayas mentionne Kristen, Juliette Binoche, leur collaboration et le tournage avec The Film Stage.


Journaliste : Juste une aparté. Quoiqu'il en soit, je pense que Clouds Of Sils Maria est parmi vos exploits les plus complexes en tant que scénariste. Une chose qui m'a le plus intrigué était que Binoche et Stewart récitant leurs dialogues pour le jeu, et la manière, même si c'est assez évident que la relation de ces personnages supporte des similitudes avec ce qui a été écrit ici, ces corrélations qui (en quelque sorte) ne sautent pas au nez. Il y a une danse en quelque sorte entre les deux histoires et j'ai aimé entendre parler de cet équilibre – obtenir quelque chose qui est très clair et pourtant subitement pas clair.
Olivier Assayas : [Pause] Vous savez, la vérité c'est que pour les trucs que j'ai fait, je n'avais pas envie d'avoir quelconque contrôle dessus – dans le sens où ce sont deux mouvements parallèles. Et je savais qu'il y allait y avoir des interactions, mais, honnêtement, j'avais très peu d'idées de l'exactitude dans ce que ça donnerait, jusqu'où ça irait, et ainsi de suite. Si vous regardez la façon dont l'histoire évolue, je me suis vraiment concentré sur les moments importants dans le jeu. Quand elles sont ensemble, lorsque les choses commencent à aller mal, lorsqu'elles rompent – des trucs comme ça. Donc, c'est assez simple. Les quatre scènes sont en quelque sorte quatre points tournants dans la relation entre ces deux femmes.
Et en même temps, vous avez, bien sûr, l'évolution de la relation entre le personnage de Valentine et Maria comme si en quelque sorte c'était impacté ou transformé par la nature de la relation entre les personnages dans la pièce. D'une certaine manière, cela ressemble à ce que j'ai essayé de faire dans Irma Vep quand, tout à coup, vous avez ce 'fantôme' d'Irma Vep, qui en quelque sorte prend possession de tous les personnages, d'une certaine manière. Ici, c'est comme si les fantômes de ces personnages finissent par habiter les actrices.
Donc, c'est très subtil, car c'est nuancé. Mais, d'une certaine manière, y a t-il vraiment une attraction entre elles ou est-ce comme si elles se rapprochent des personnages car elles les interprètent, et, en quelque sorte, elles sont d'une certaine manière contaminées ? C'est comme le personnage de Maria qui, à travers le film, devient de plus en plus masculin – de plus en plus Helena – mais, finalement, est-ce vraiment ce qu'elle est ? Va t-elle rester comme ça ? Peut être pas. C'est juste un chemin qui l'emmène à un point où elle peut incarner ce personnage, puis elle évoluera et elle jouera, vous savez, ce mutant dans ce film de science fiction bizarre. [Rires]

Concernant le besoin de connaissance : en tant que conteur, comment travaillez-vous votre cheminement jusqu'à l'interaction finale entre Binoche et Stewart, qui forme ce point très mystérieux, L'Avventura-esque ?
Ce sont des très petites, minuscules nuances, en fin de compte. Ce sont comme des petits cailloux sur le chemin. En fin de compte, je pense que ça finit par se passer dans la salle de montage, car ce sont les prises que je choisis, car j'ai fait énormément de variations dans les scènes. Je veux dire, j'ai des versions très différentes de toutes ces scènes, donc il s'agit de la construction lorsque vous êtes en train d'éditer, étape par étape – avoir des choses à construire en utilisant le matériel que vous avez. Ici, l'élément sensuel de l'histoire est quelque chose qui doit être discret, mais toujours présent. Ici, c'est plutôt une question d'ajustement. Il ne faut pas aller trop loin, mais cela doit être présent, donc c'est vraiment un équilibre très délicat. J'ai des choses qui auraient pu être poussées plus loin et j'ai des choses qui auraient pu être effacées également. J'étais content de l'équilibre que nous avons trouvé – mais, encore une fois, dans la salle de montage.

Au sujet de l'ajustement, mais par rapport à la pré-production : avez-vous trouvé que l'une de vos conceptions initiales de ce projet a grandement changé quand le rôle de Valentine est revenu à Kristen Stewart, en remplacement de votre choix initial, Mia Wasikowska ?
Oui. Eh bien oui. Vous savez c'est … Eh bien, en fait, j'y aurais mis des choses différemment. Pour tout ce que j'ai écrit, j'avais à l'esprit quelque chose d'assez différent de Mia Wasikowska ; je pense que le personnage était plus proche de Kristen en premier lieu. Vous savez, pour quelconque raison , lorsque cela ne s'est pas fait avec Kristen et que je me suis rapproché de Mia Wasikowska – dont je pense que c'est une actrice incroyable ; je pense qu'elle est simplement brillante, tellement intelligente – j'ai dit, 'Ok, elle est géniale. Je vais adapter. Nous allons trouver un terrain d'entente et je suis sûr que la dynamique va fonctionner'. Je ne sais pas exactement comment ils vont travailler, mais ils vont travailler. Mais, nous allons dans une direction légèrement différente.
Alors lorsque – pour plein de raisons différentes – nous avons dû revenir vers Kristen, l'ensemble du processus a donné en quelque sorte l'impression d'être plus facile – parce qu'elle était un ajustement tellement plus évident. Mais le truc c'est que j'aurais été très heureux de faire le film avec Mia Wasikowska, sauf que cela aurait été un film complètement différent. Et c'est vraiment intéressant, d'une certaine manière, car c'est là où il finit, comme le théâtre, comme sur scène. Lorsque vous avez une pièce, vous pouvez avoir un million de versions différentes de cette pièce, basé sur qui vous avez choisi. Ici j'ai eu le sentiment qu'il y avait des versions différentes de cette histoire. Il y avait des versions différentes possibles de cette histoire, mais je savais que, dans tous les cas, je devrais adapter peu importe qui allait jouer Valentine.

Est-ce que cela arrive souvent, [cette situation] dans laquelle vous devez changer les acteurs et cela commence à donner le sentiment que vous pouvez avoir un film différent dans vos mains ?
Habituellement, l'étendue est plus étroite. Habituellement, vous avez un genre d'idée. Il y a des limites que vous pouvez tester, donc c'est généralement plus ciblé. Ici, je dirais que c'est un rôle qui était beaucoup plus ouvert que d'habitude pour moi.

L'une des réactions les plus courantes que j'ai vu vis à vis de ce film, que quelqu'un l'apprécie ou non, est la surprise à quel point la performance de Stewart est forte. Peut être parce qu'il y a des préjugés la concernant. Vous choisissez de travailler avec un acteur, donc je suppose que vous avez des bons sentiments à leur sujet.
Oui oui.

Mais êtes-vous surpris par la surprise des gens ? Trouvez-vous ça étrange ?Je comprends bien, dans un sens, et d'une certaine manière, je suis heureux. J'ai décidé de faire ce film avec Kristen basé sur mon intuition – basé sur le fait que je pense qu'elle a cette incroyable présence unique à l'écran, incroyablement frappante. Elle a une présence à l'écran tellement puissante. C'est quelque chose dont tout le monde est au courant – ou il faut être aveugle pour ne pas le voir. Mais, je n'avais aucune idée si je serais capable de l'amener sur le terrain sur ce film. Je n'avais aucune idée de la manière dont elle fonctionnerait avec Juliette, jusqu'où elle pourrait aller en termes de réinvention des scènes, d'improvisation, sans répétition, bla bla bla.
Donc, j'avais un sentiment que j'étais en train de parier ; j'étais en train de parier sur quelque chose sur lequel je n'avais aucune sécurité. Je ne savais pas. Je n'avais que mon instinct. Ce n'est pas comme si je n'avais pas la moindre preuve qu'elle l'avait déjà fait ; elle ne l'avait pas fait. Je l'amenais dans un domaine totalement différent. Mais après, genre, une journée, je savais qu'elle était tout simplement parfaite pour le rôle et c'était vraiment génial. Et, le truc c'est que, comme souvent avec de grands acteurs, elle m'a étonné. Comme, de jour en jour, j'ai pensé, 'Oh mon dieu. La vitesse à laquelle elle s'adapte'. Car Juliette faisait des trucs dont je savais qu'elle … Que j'avais vu … Je la connais. Je la connais assez pour savoir qu'elle pouvait aller dans cette direction.
Honnêtement, je pense qu'elle est bien meilleure dans ce film que dans beaucoup de films qu'elle a fait, mais ce n'était pas ma préoccupation. Parce que je pense que Juliette, aussi géniale qu'elle soit, vous savez, parfois elle peut ne pas être vraiment concentrée. Donc je savais que je devais l'aider à se concentrer. Mais, pour Kristen, j'ai été étonnée par la facilité qu'elle ressentait avec des objets qui étaient totalement pour elle. Mais ensuite, la petite chose – les nuances, la manière dont elle bouge son corps, la manière dont elle regarde – ce sont des trucs que j'ai découvert lorsque je faisais le montage. J'ai simplement été stupéfié par la précision. Vous ne pouvez pas vraiment le voir lorsque vous tournez. Vous enregistrez et vous dites, 'Oh ouais, ça semble génial. Avançons'. Nous passons à un autre plan, et ensuite lorsque vous êtes dans la salle de montage et que vous regardez les trucs encore et encore, vous réalisez la précision, l'intelligence, la subtilité de ce qu'elle fait. J'étais juste constamment impressionné.


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